Conclusion

Cet article fait parti de la série Le désinteressement au référendum. Article 5 sur 8.

L’abstention est un enjeu politique majeur qui mérite des améliorations conjoncturelles et structurelles du dispositif référendaire. Les observations faites plus haut peuvent servir de base à quelques réflexions fortes :

Un référendum devrait toujours être expliqué à la population, faire l’objet de débats, et être organisé avec soin en particulier dans le libellé de la question posée. Il est nécessaire d’anticiper les réactions de résistance des citoyens devant un changement, de tenter de les désamorcer en donnant les moyens de juger sereinement du problème. Ces phénomènes ont bien été décrits en sociologie du changement. Le référendum ne doit pas se résumer à promouvoir l’intérêt d’une personne ou d’un groupe de personne, cet aspect est tout à fait démotivant lorsque cela est perçu comme tel par la population. La responsabilité d’organiser les débats et les informations, de définir les questions judicieuses pour l’avenir du pays est de la responsabilité des gouvernants bien que les groupes de pressions et les média ont aussi, bien sur, leur mot à dire. Toutefois, certains hommes politiques ou certaines institutions ont une meilleure crédibilité que d’autres en ce domaine et la responsabilité des pouvoirs publics à animer le débat démocratique est très nette. Pour leur part, les médias doivent présenter l’information avec une certaine neutralité, une certaine objectivité. Or c’est un lieu commun que de reconnaître que certains média recherchent surtout le sensationnel et les débats passionnés.

Le thème abordé doit intéresser les populations. Cet intérêt passe aussi par l’action des médias mais dépend également de la nature intrinsèque de la question posée vis à vis de la sensibilité collective. Les thèmes qui passionnent les citoyens sont souvent ceux qui ont une répercussion directe dans la vie de tous les jours. Ce sont les sujets pour lesquels ils ont un avis « naturel » et spontané. Les questions qui, par contre, portent sur les aspects de politique conjoncturelle, faisant appel à un jargon technique, juridique sont moins rassembleurs, peut être parce qu’ils rebutent les citoyens qui ne voient pas spontanément de déboucher pratique à l’action de voter.

Le référendum pose donc le problème de savoir s’il est licite de questionner la population sur des sujets pour lesquels ils ne sont pas formés, motivés, intéressés indépendamment du fait que ce sujet soit important ou non pour la nation. On retrouve donc ici le débat sur la gestion des affaires publiques soit par les élites ou les technocrates soit par un vrai système de démocratie où chaque citoyen doit s’exprimer et participer à la vie de la Nation. Régulièrement en France, le débat de savoir qui des élites, représentées par exemple par les anciens élèves de l ‘Ecole Normale d’Administration, ou du peuple est plus capable de diriger le pays du fait de la complexité des affaires à traiter. Les garants de la démocratie rappellent que seul le peuple a une réelle légitimité. Une proposition de loi a été déposée récemment au sénat dans ce sens. Selon le constitutionnaliste Geoffroy Walker « le citoyen sera plus facilement prêt à contourner une loi défendue par les élites qu’une loi qui reflète le consentement libre et la conscience de la majorité des citoyens ». Pour cela il faut obtenir des institutions que les référendums sollicitent la participation d’une large majorité des citoyens. Dans cette proposition de loi, l’article 11 de la Constitution serait complété par un 4ème alinéa rédigé comme suit : « la proposition soumise au référendum n’est adoptée que si la majorité des électeurs inscrits sur les listes électorales a pris part au vote ».

Pour obtenir une large adhésion à un référendum il semble donc exister deux possibilités distinctes de signification démocratique différente :

Restreindre le champ des questions posées aux débats de société passionnels où les médias pourront à loisir surfer sur le sensationnel ou rendre polémique des débats qui n’en ont pas besoin pour la stabilité du pays.

Mieux former les citoyens, développer leur sens civique, obtenir non seulement des partis mais également des médias un travail de sensibilisation citoyenne. Ces acquis permettront aux citoyens de juger par eux-même de questions difficiles à partir du moment où ils feront l’effort de s’y intéresser. Mais cet objectif porte en lui une part d’utopie et reste très difficile à atteindre dans une société en crise. Il reste cependant un objectif de fond pour toute démocratie, nous allons développer ce point dans les perspectives.

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